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Le blog du lignard
22 avril 2020

16 mars 1978. Le naufrage de l'Amoco Cadiz

  Ce supertanker de 330 mètres de long fut construit en 1974 par le chantier naval Astilleros Españoles SA à Cadix en Espagne. L'Amoco Cadiz fait partie d'une commande de quatre navires identiques, passée par la société américaine Amoco Internatonnal Oil Company, entreprise basée à chicago opérant dans le domaine pétrolier et chimique. Immatriculé au Libéria, et affrété par compagnie américaine Amoco Transport, il devait servir au transport de pétrole provenant du golf Persique, à destination de l'Europe. Un itinéraire qu'il avait déjà réalisé à plusieures reprises. Début février 1978, le tanker se trouve à Ras Tanura en Arabie saoudite où il charge 121 157 tonnes de pétrole brut, puis complète sa cargaison avec 98 640 tonnes de brut sur l'île de Karg en Iran. L'amoco Cadiz quitte le golf Persique le 7 février à destination de Rotterdam, via la baie de Lyme en Angleterre, escale classique pour alléger les pétroliers avant leur passage vers la Mer du Nord.

  Le supertanker passe le cap de Bonne-Espérance le 28 février, puis fait escale le 11 mars à Las Palmas (Îles Canaries) pour se ravitailler en carburant. Le 16 mars 1978, l'Amoco Cadiz vient d'entrer dans la Manche, il doit composer avec de mauvaises conditions météorologiques depuis deux jours. A 9 heures ce jour-là le pétrolier navigue péniblement dans une mer démontée à la vitesse de 9,5 noeuds et passe au large d'Ouessant. Vers 10h45 une avarie se produit lorsque le gouvernail se bloque, conséquence de grosses fuites hydroliques que les mécaniciens n'arrivent pas à juguler. IIs vont lutter vainement deux heures durant en pataugeant dans l'huile et dans un navire ballotté par la forte houle. On appris par la suite que par économies d'argent les inspéctions périodiques de sécurité du navire n'avaient pas été faites avec un sérieux absolu. Le gouvernail bloqué fait virer le tanker sur babord. Un premier message radio de sécurité est envoyé sur la fréquence 500 kHz, signalant que le navire était non-manoeuvrable et demandant aux autres bâtiments de se tenir à l'écart. A 12h05 l'Amoco Cadiz contacte le centre-radiomaritime du Conquet, (face à l'archipel de Molène) l'armateur du navire étant installé à Chicago, le capitaine Bardari tente de le joindre, mais ne peut y parvenir à cause du décalage horaire. Il va également vainement essayer de contacter des représentants basés à Gênes et Milan.

  A 12h20 le capitaine Pasquale Bardari demande l'assistance d'un remorqueur, car la panne ne peut être réparée. Un appel d'urgence est envoyé sur 500 kHz, le pétrolier se trouve alors à 10 miles au nord d'Ouessant. Le seul le plus proche est le Pacific un remorqueur allemand, situé à 13 miles à proximité de Portsall. Il fait route au nord pour une autre mission. Quelques minutes plus tard le contact est établi entre les deux navires. le capitaine du Pacific parvient à joindre son armateur, la société Bugsier, tandis que sur l'Amoco Cadiz, le capitaine Bardari tente de contacter le sien, car le Pacific lui propose un contrat fondé sur le Lloyd's open form. Bugsier contacte un autre remorqueur, le Simson, de la même compagnie, mais ce dernier se situe au large de Cherbourg soit à plus de dix heures de navigation de l'Amoco Cadiz. Le remorqueur allemand se rapproche encore, car la forte houle, vient de faire dériver l'Amoco Cadiz, qui se trouve à 2 miles au sud du rail d'Ouessant. le Pacific envoi une touline (lance-amarres) au pétrolier pour une première tentative de remorquage. Cette dernière se compose d'un gros câble en acier et d'une chaine, pour un poids de 15 tonnes.

  A 15h05, une fois les deux navires reliés ensemble, le Pacific laisse filer 1 000 mètres de remorque et commence à tirer lentement. Mais malgrè la puissance de ses moteurs poussée à 80%, les deux navires dérivent vers l'est.  A 16h, l'armateur de l'Amoco Cadiz fait savoir qu'il accepte les termes du contrat "Lloyd open form" que lui proposait la société Bugsier. Quinze minutes plus tard, la chaine de remorque casse, à ce moment le pétrolier avait "évité" (terme marin consistant à faire pivoter un navire sur lui-même dans un espace restreint) et était orienté vers le sud. Son capitaine décide de mettre les machines en arrière pour s'éloigner de la côte dangeureusement proche. Cette manoeuvre est rendue extrêmement périlleuse avec ces mauvaises conditions météorologiques, le vent d'ouest était de force 8 et la surface de la mer se composait de creux de 8 mètres. A présent le pétrolier était orienté face au sud . Une nouvelle tentative de remorquage commence, mais les deux navires se sont éloignés l'un de l'autre. Le pacific se rapproche et relance sa touline. Au bout de quatre reprises la touline est enfin hissée sur le pétrolier mais, la remorque casse à nouveau et retombe à l'eau. A 20h04, l'Amoco Cadiz jette l'ancre, mais  quelques minutes plus tard, le guindeau (treuil à axe horizontal servant à relerver l'ancre) est arraché. La remorque renvoyée par le Pacific est finalement ammarée à un jeu de bittes d'amarrage. Le Pacific commence à tirer, le pétrolier est toujours mouillé et espère tourner, mais il vient "talonner"" (toucher le fond) une première fois, il roule sous les vagues, les machines sont noyées. L'Amoco Cadiz se retrouve privé d'éclairage et de radio, il talonne une seconde fois, des fusées de détresses sont envoyées. A 22h43, l'effroyable se produit ses soutes pleines de brut saoudien et iranien fuient. Le Simson arrivant de cherbourg est sur les lieux à 23h30, mais ne peut que constater qu'il ne peut rien tenter, le pétrolier est condamné. Un message radio du Pacific demande l'assistance aérienne, pour évacuer l'équipage du pétrolier qui s'est rassemblé. Bientôt les hélicoptères "Super Frelons" de la 32e flotille de la Marine nationale basés à Lanvéoc-Poulmic arrivent pour sauver les marins du pétrolier, seul le capiaine Bardari et un officier resteront à bord jusqu'à leur évacuation vers 6 heures du matin. Le plan Polmar sera déclenché immédiatement après la constatation de la marée noire, qui sera la plus grosse catastrophe écologique du XXe siècle.

  Avec la marée noire qui s'en suit, la société Shell, à qui était destiné le brut, pévoit dès le 17 mars d'envoyer sur la zone des pétroliers-allégeurs pour pouvoir pomper le maximum de pétrole dans les soutes de l'Amoco Cadiz. Les 3 pétroliers sont en place dans la journée du 17, mais n'ont pas de pompes. Shell  prévoyait d'en faire venir des Etats-Unis, celà aurait pris trop de temps. La Marine nationale à en tête un projet de station de pompage, avec un navire qui alimenterait les pompes immergées dans les soutes du tanker. Même si les moyens necessaires pour ce projet étaient disponibles il faudrait encore attendre 10 à 15 jours pour que la météo soit plus clémente pour leur mise en place. Le 24 mars l'Amoco Cadiz se brise en deux, le lendemain il avait déjà perdu 80 à 90% de sa cargaison de pétrole brut, tout pompage devenait alors inutile. Les 220 000 tonnes de pétrole, transportées, ajouter aux 3 000 tonnes de fioul vont se déverser sur 400 km de côtes bretonnes. Le 29 mars des plongeurs-démineurs de la Marine nationale vont dynamiter localement l'épave de l'Amoco Cadiz afin d'éviter tout risque de suintement. Les dégâts se ressentent sur l'écosystème avec 30% de la faune et 5% de la flore qui seront détruites sur 1 300 km². Une estimation réalisée plus tard fera état d'un total de 10 000 oiseaux qui auraient péris. L'arrivée des nappes en pleine période de nidification des oiseaux à sans doute aggravée la situation. Les poissons, les coquillages et crustacés ont été eux aussi touchés. Une étude estime que 35 espèces de poissons auraient été intoxiqués en absorbant des polluants. Meme aux endroits où les eaux sont plus oxygénées il fallut au moins attendre près de sept ans pour que les espèces marines et ostréicoles récupèrent pleinement. L'épave de l'Amoco Cadiz repose par 30 mètres de fond à quelques kilomètres de Portsall. Chaque année des plongées touristiques sur l'épave s'y déroulent mais toujours par temps calme, notamment au cours de l'étale de la mer.

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L'Amoco Cadiz. (playtv.fr)

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(letelegramme.fr)

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(leparisien.fr)

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Plongeur sur l'épave. (korejouplongee.com)

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L'Ancre de 20 tonnes de l'Amoco Cadiz renflouée et exposée à Portsall. (Ludovic Péron)

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Portsall souillée par le pétrole. (National Oceanic and Atmospheric Administration)

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(fylipp22)

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Nettoyage d'une plage des Côtes-d'Armor par des agriculteurs venus nombreux pour aider les équipes spécialisées. (fylipp22)

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(sciencesetavenir.fr)

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(cetacesetfaunemarine.wordpress.com)

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(lefigaro.fr)

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(portsall.chez-alice.fr)

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Commentaires
7
bonsoir pascal! je me souviens bien de cette catastrophe, avec des erreurs de "pilotage", et de la malchance... pendant des années on pouvait apercevoir le pif du pétrolier, qui a définitivement sombré, peu de temps avant que nous allions en bretagne... nous nous sommes contentés de l'ancre.... bonne soirée, amicalement, daniel!!
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S
Tu as très bien raconté ce drame que j'avais suivi à l'époque avec attention. 11 ans auparavant, alors que j'habitais à Londres, nous étions allés en vacances en Cornouaille (britannique), et je me souviens avoir vu l'épave du Torrey-Canyon brûler au large, échouée sur des rochers. Elle était la première d'une série... noire!
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