La tragédie de l'USS Indianapolis 30 juillet 1945.

  Le 31 mars 1930, la construction du croiseur lourd débute aux chantiers navals New-York Shipbuilding de Camden dans le New-Jersey. Lancé le 7 novembre 1931, il reçoit alors son nom définitif "Indianapolis", ainsi que sa dénomination officielle CA-35, parainé par Mrs Lucy Taggart, la fille du sénateur Thomas Taggart, ancien maire de la ville d'Indianapolis. Ce sera le deuxième navire à porter le nom de la capitale de l'Indiana. Le 18 novembre 1936 le président Franklin D. Roosevelt embarque à bord dans le port de Charleston (Caroline du Sud), le navire doit le mener pour des visites de coutoisies en Amérique-du-Sud. Après avoir été successivement à Rio de Janeiro, Buenos Aires et Montévideo, l'USS Indianapolis retourne à Charleston le 15 décembre pour débarquer la délégation présidentielle. Alors que les tensions internationales augmentent, les entrainements du croiseur s'intensifient pour en faire une machine efficace en cas de guerre.

  Lorsque se produit l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l'USS Indianapolis débarque des hommes et de l'équipement sur l'île Johnston, où il y reçoit l'annonce officielle de la déclaration de guerre avec le Japon. Le navire se joint à la Task Force 12 qui recherche des porte-avions ennemis signalés dans les parages, sans rien trouver, la flotte regagne Pearl Harbor le 13 décembre, tandis que l'Indianapolis est rattaché à la Task Force 11 qui fait route vers le Pacifique Sud, occupé par les Japonais. Le 20 février 1942 à 550 kilomètres au sud de Rabaul, les navires sont attaqués par 18 bombardiers bimoteurs ennemis, ils seront tous abattus par les défenses antiaériennes et les chasseurs du porte-avions Lexington, les navires américains n'enregistrent aucun dommage. Par la suite L'USS Indianapolis va successivement prendre part aux campagnes des îles Aléoutiennes et des îles Gilbert et Marshall. Du 12 au 29 septembre le croiseur participe aux pilonnages de l'île de Peleliu, début octobre l'USS Indianapolis regagne le chantier de Mare Island (Californie) pour des travaux de refonte.

  Le 14 janvier 1945, le navire sous les ordres du capitaine Charles McVay rejoint la Task Force 38, qui doit appuyer le débarquement des Marines sur l'île d'Iwo-Jima, le rôle du croiseur: protéger les navires de débarquement et fournir un appui feu aux troupes au sol. A partir du 4 mars l'USS Indianapolis prend part aux bombardements préliminaires d'Okinawa, matraquant les défenses ennemies avec ses canons de 203 mm, constamment harcelé par des avions adverses, le croiseur réussi à en abattre six. Le 31 mars au soir, l'un deux parvient à éviter les tirs antiaériens et largue sa bombe sur le navire. Celle-ci traverse le blindage du pont, le réfectoire de l'équipage, une chambre et une soute à combustible, avant de ressortir sous la coque et d'exploser dans l'eau. Le souffle déchire la coque en deux endroits, puis se propage aux travers des compartiments tuant neuf marins et en blesse vingt-neuf autres. Les dégâts sont importants, les soutes à combustibles fuient, le bouilleur d'eau douce est détruit et les lignes d'arbres d'hélices sont endommagées, mais l'innondation est contenue. Gitant sur babord, L'USS Indianapolis réussit à atteindre un remorqueur afin d'effectuer les réparations d'urgences. Malgrè tout le croiseur lourd parvient à effectuer la traversée du Pacifique par ses propres moyens pour rallier le chantier de Mare Island. Le capitaine McVay reçoit alors un message de l'amirauté, le félicitant pour le contrôle des dégâts et le travail extraordinaire de son équipage.

  Alors que les réparations sont en cours, celle-ci sont brusquement accélérées, Charles McVay reçoit l'ordre de quitter Mare Island pour rejoindre Hunters Point Navy Yard au large de San Francisco. Une mystérieuse caisse contenant des éléments d'un projet "Top Secret" y est embarquée, le navire doit la livrer sur l'île de Tinian (dans l'archipel des Mariannes). Cette caisse contient en fait de l'uranium 235 enrichi et des éléments de Little Boy, la première bombe atomique qui sera larguée sur Hiroshima le 6 août 1945. Après des essais de fiabilités en mer accélérés l'Indianapolis appareille le 16 juillet et rejoint dans un premier temps Pearl Harbor le 19, parcourant 2 405 miles marins (4 454 km) en 74,5 heures. Sans aucune escorte, le croiseur lève l'ancre et fait route vers Tinian, qu'il atteint le 26 juillet après avoir parcouru 9 260 kilomètres en 10 jours,où sa précieuse marchandise y est déchargée. La suite de son trajet doit le conduire à Guam où des matelots doivent débarquer en permission, tandis que d'autres, principalement de jeunes recrues seront admises à bord. Le navire doit les acheminer sur l'île de Leyte, où elles devront subir un entrainement. Le 28 juillet l'Indianapolis appareille, sans escorte, malgrè les demandes du capitaine McVay. Le 30 juillet à 0h55, il se trouve dans la mer des Philippines voguant à 17 noeuds. Subitement le navire est ébranlé par une déflagration qui pulvérise entièrement la proue, puis une autre à proximité d'une soute de combustible et d'une de munitions, l'explosion coupe le navire en deux. L'Indianapolis vient de tomber sous les deux torpilles lancées par le sous-marin nippon I-58 commandé par le capitaine de corvette Mochitsura Hashimoto.

  Le bâtiment sombre en seulement 12 minutes, emportant avec lui environ 300 hommes sur les 1 197 de l'équipage. Malgrè le SOS lancé par l'Indianapolis aucun navire ne vient. Les naufragés se retrouvent seuls livrés à eux même au milieu de l'océan Pacifique, la plupart avec seulement leur gilet de sauvetage. Ils devront faire face à l'hypothermie, la déshydratation, la fatigue, la faim, la soif ,et les attaques répétés des requins attirés par l'odeur du sang, chaque jour des hommes disparaissent avalés par les squales. Le calvaire des survivants va durer quatre jours Le salut vient du ciel lorsqu'ils sont survolés par un appareil de lutte anti-sous-marine qui donne l'alerte. Bientôt un hydravion PBY Catalina arrive sur la zone, son équipage va désobeîr aux ordres en voyant les requins roder et va se poser pour tenter de receuillir le maximum d'hommes. Les aviateurs vont pouvoir sauver 56 marins, durant la nuit des marins sont attachés sur les ailes pour éviter qu'ils ne chutent. L 'hydravion restera jusqu'à l'arrivée du destroyer Cecil J Doyle qui s'est dérouté pour porter assistance. Le bilan du naufrage est très élévé 67 officiers et 808 marins et sous officiers ont péris noyés, il n'y aura que 317 recapés, parmi eux figure le capitaine McVay. Ce naufrage est le plus meurtrier de l'histoire de l'US Navy.

  Le 29 novembre 1945 le capitaine Charles McVay apprend qu'il va être traduit devant une cour martiale. cette décision est ordonnée par l'amiral de la flotte Ernest King, malgré les réticences des amiraux Raymond Spruance et Chester Nimitz qui  recommandaient une simple lettre de réprimandes. Le laps de temps trop cour entre la notification et le début du procès, fait que le capitaine McVay à seulement quelques jours pour préparer sa défense, de plus l'avocat qu'il avait choisi ne peut se libérer dans un temps si court et il sera défendu par avocat inexpérimenté. Deux charges sont retenues contre le capitaine McVay " mise en danger de son navire en omettant de zigzaguer et échec à donner l'ordre d'abandonner le navire  dans un temps approprié." Pourtant aucune mention n'est faite de l'abscence de réaction au signal de détresse envoyé par l'Indianapolis ou du temps mis par les secours pour se rendre compte de la disparition du navire. Le 3 décembre le procès débute et d'emblée il apparait vite que certaines informations qui auraient permis d'innocenter le capitaine McVay n'ont pas été toutes transmises. L'amiral King décide de ne pas en tenir compte. La deuxieme semaine du procès  un témoin pour le moins surprenant est appelé à la barre, il s'agit du commandant Hashimoto du sous-marin I-58 celui-là même qui a coulé le croiseur. Mal à l'aise l'ancien officier japonnais livre un témoignage embarrassant pour la Navy. Il affirme qu'il aurait coulé le croiseur de toute manière, quelle que soit la route qu'il aurait suivie et ses évolutions. Un autre témoignage du très décoré commandant de sous-marin Glynn R. Donaho vient ébranler l'accusation affirmant que la manoeuvre de zigzag n'aurait rien changé à la situation. Le 19  décembre le capitaine McVay est reconnu coupable de n'avoir pas fait zigzaguer son navire, mais acquité de la seconde charge. Ce verdict va le ronger le reste de sa vie, il finira par se suicider en 1968. Les survivants indignés par le traitement réservé à leur ancien commandant vont alors tenter de lancer une campagne pour la réabilitation qui aboutira à une résolution du Congré des Etats-Unis en octobre 2000, selon laquelle le capitaine McVay est lavé de tous soupçons concernant le naufrage de l'Indianapolis. En juillet 2001, selon les ordres du secrétaire de l'US Navy Gordon R. England, le dossier militaire du capitaine McVay est purgé de toute infraction.

L'USS Indianapolis sur l'Hudson River à New-York le 31 mai 1934. (National Museum of the US Navy -80-G-463063)

Deux matelots arborent le fanion présidentiel, lors du séjour de président Roosevelt à bord de l'Indianapolis en 1936. (U.S. Navy photo NH 68040)

Le président américain Franklin D. Roosevelt pendant son trajet vers l'Amérique du Sud. (U.S. National Archives and Records Administration)

L'Indianapolis CA-35 à Pearl Harbor en 1937. (historynet.com)

Le navire en action pendant la bataille de Saipan le 15 juin 1944. (Official U.S. Navy photo 80-G-231838/U.S.Navy Naval History and Heritage Command)

Le navire au large de Mare Island en juillet 1945.

Charles B. McVay III (1898 - 1968) commandant  du croiseur lourd USS Indianapolis depuis novembre 1944. Le 26 juillet 1945 il livre des éléments de la première bombe atomique sur l'île de Tinian. Quatre jour plus tard son navire est coulé par le sous-marin japonais I-58 dans la mer des Philippines. Figurant parmi les rescapés du naufrage, le capitaine McVay fut traduit en cour martiale pour la perte de son navire. Après un procès baclé et rempli d'incohérences, il fut reconnu coupable de n'avoir pas fait zigzaguer son bâtiment. Ce procès mis un terme à sa carrière militaire, il quitte la marine en 1949 avec le grade de contre-amiral. Souffrant de dépression et rongé par son procès il se suicide avec un revolver le 6 novembre 1968 à 70 ans. En 2001 l'accusation portée sur son dossier militaire fut effacée et l'officier réhabilité à titre posthume.

Ernest King (1878 - 1956) amiral de la flotte.

Chester W. Nimitz Sr (1885 - 1966) amiral de la flotte, contre son avis King décida de traduire Charles B. McVay en cour martiale. (thoughtco.com)

Amiral Raymond A. Spruance (1886 - 1969) tout comme Chester Nimitz, il préconisait une simple lettre de réprimandes envers Charles McVay.

Capitaine de corvette Mochitsura Hashimoto (1909 - 2000) commandant du sous-marin I-58. Le 30 juillet 1945 à 0h55 il lance 6 torpilles dont deux atteignent l'Indianapolis et le coule. L'ancien officier va témoigner à décharge lors du procès du capitaine Charles McVay en décembre 1945.

Des membres de la marine américaine traitent un survivant de l'Indianapolis. Beaucoup de ceux qui ont été retirés de l'eau étaient couverts d'huile et avaient des ulcères infectés d'eau de mer, tout en subissant les effets d'une déshydratation extrème, d'une hypothermie, de l'exposition à une mer agitée et d'une chaleur tropicale intense.

Survivants de l'Indianapolis évacués sur Guam en août 1945.

Une des ancres de l'USS Indianapolis, l'épave fut retrouvée en 2017 dans la mer des Philippines gisant à 5 500 mètres de fond. (Photo : Navigea Ltd R/V /lemarin.fr)

Vue de la cloche de l'Indianapolis. (photo Paul Allen)

Tourelle de canons de 203 mm sur l'épave.

Deux rescapés du naufrage, Art Leenerman à gauche et Don McCall en 2010. Don McCall est décédé en juin 2017  l'âge de 92 ans. (news-gazette.com)

Le matelot Edgar Harrell survivant du naufrage. (eu.theleafchronicle.com)

Edgar Harrell en octobre 2011 chez lui à Clarksville dans le Tennessee. (photo: Philip Grey/The Leaf-Chronicle)

Monument commémoratif situé à Indianapolis. (pocketsights.com)

L'acteur Nicolas Cage dans le rôle du capitaine Charles McVay dans le film "USS Indianapolis Men of Courage" de 2016. (telestar.fr)

Comments

[eclectique]

... super intéressant... mais pourquoi donc ce procès??? les politiques sont vraiment nuls! la guerre n'était pas encore finie, mais ceux des bureaux avaient considéré que oui§§§ il n'avait pas d'escorte, et la faute à qui...???

[Sirius]

5500 mètres de fond, voilà qui va sûrement dissuader les voleurs de métaux!